Issue d’une famille nombreuse (sept enfants), Alice POYET épouse ARTEIL est née le 16 juin 1912 au bourg de Saint Romain d’Urfé. Le 18 février 1936, elle épouse Raymond ARTEIL, commerçant en tissus à Saint-Just-en-Chevalet. Elle n’était pas grande mais avait une volonté à toute épreuve et une résistance hors du commun. Qui aurait songé, dans ce petit village à deux pas de Roanne, niché dans les monts du Forez, qu’une enfant du Pays : Alice ARTEIL, connue pour le commerce de tissu familial, allait se transformer et devenir une femme au destin exceptionnel. La guerre mais surtout la défaite de la France, sa patrie et son occupation par les Allemands allaient la propulser sur la scène régionale. Elle était mariée, mais son mari, mobilisé, fut fait prisonnier. C’est alors qu’Alice décide à son tour de participer à la lutte contre l’occupant. Raymond ARTEIL ne reviendra pas de sa campagne de France, il est porté disparu. C’est alors qu’Alice, son épouse, entreprend dès juillet 1940 des recherches assidues et fébriles afin de le retrouver. Ce n’est que courant 1941, près d’un an après, qu’elle retrouve sa trace. Il est prisonnier en Allemagne. Alors soulagée mais résolue, Alice Arteil décide à son tour de participer à la lutte. En 1942, prenant contact avec des groupes locaux de résistance, Alice ARTEIL rejoint les Franc-tireur, le mouvement a pour mission de former des éléments qui seront disponibles l’heure venue. C’était un travail long et difficile compte tenu de la situation et des événements.
Fin 1942 la France est totalement occupée. Restriction, exclusion et répression. Le 30 Janvier 1943 le gouvernement de Vichy met en place une organisation politique et paramilitaire française (Milice : 35000 personnes) pour lutter contre la Résistance qualifiée de terroriste. Dès 1942, Alice ARTEIL prend le maquis et constitue un groupe franc qui lui sera entièrement dévoué et assurera des fonctions continues de sabotage et de lutte contre la Gestapo. En septembre 1943, elle prend la tête du maquis de Lavoine, qui est alors un groupe d’une cinquantaine d’individus répartis en trois groupes de combat et structurés en une section. Un tel nombre était un danger car en montagne Bourbonnaise comme en Forez il devenait difficile de passer inaperçu. Pour exemple ce 15 Novembre 1943, avec l’action de police conjugué avec la Milice et la Gestapo de Roanne et de Vichy qui disloqua le maquis de Châtel-Montagne dont le chef était KESPY. Fin Novembre 1943, sa section fusionne avec les Francs-Tireurs Partisans Français (FTPF).
A cette époque Alice et ses hommes étaient très activement recherchés par la Gestapo de Clermont Ferrand et de Vichy. Surtout que, dans son effectif, on trouvait des déserteurs du camp d’Aulnat, ainsi que des Luxembourgeois qui, ne voulant pas être enrôlés dans l’armée Allemande, étaient venus rejoindre les maquis en France. Alice ainsi qu’une dizaine de ses subordonnés accusés d’être responsables d’actes de terrorisme avaient été condamnés à mort par contumace par les tribunaux militaires Allemands pour atteinte à la sûreté de l’état. Durant cet Hiver 1943, elle parcourt infatigablement la Loire et l’Allier tant pour échapper à la Gestapo que pour nouer des contacts pour l’organisation du Maquis. Le MUR (mouvement unis de la Résistance) De là naquit, le 1 er Janvier 1944, le groupe Franc ‘’Alice’’ dans le cadre des MUR qui travailla sous les ordres du Colonel Colliou, alias Roussel, appartenant à l’ORA (Organisation de résistance de l’Armée) En janvier 1944 Alice ARTEIL dispose de 7 volontaires: Jean Carrier, Louis Pers, Louis Groslier, Louis Brandon qui deviendra Colonel, Jean Marie Carrier puis René Erhard et Joannès Bardet. Joseph Ronckar et Joseph Besch les rejoignent plus tard.
C’est dans la nuit du 31 décembre 1943 que l’on vit arriver aux Archers (Arfeuilles : Allier), en provenance du Col de la Loge, ceux qui allaient former le noyau du groupe « ALICE ». Tous volontaires, il y a là, à leur tête, Alice ARTEIL et dix autres résistants (Bourbonnais, Luxembourgeois, Foréziens, Auvergnats) mis à la disposition du Colonel Colliou (Alias : Roussel) ancien commandant du 3ème bataillon du 152e RI de Lapalisse. Dans l’esprit des responsables de la Résistance, le groupe ALICE était destiné à protéger et recueillir les Chefs militaires recherchés par la Gestapo et la Milice, recevoir et mettre en lieu sûr les parachutages, saboter les voies ferrées et lignes téléphonique…des missions difficiles et dangereuses. Si au commencement de l’Année 1944 les débuts du Groupe ALICE furent contrariés par les fortes chutes de neige sur la région de la Croix du Sud, rapidement Alice sera avec son Groupe de toutes les actions du groupement Roussel : de l’annonce du débarquement en Normandie, jusqu’à sa démobilisation en Allemagne. Dès Février 1944, l’action du groupe devient intense. Alice se met en mouvement. C’est aux Cardoux, en présence de Roussel que sera évoqué pour la 1 ère fois le débarquement en Normandie et les dispositions à prendre, à l’intérieur du Pays contre l’occupant Allemand.
Dès lors, elle rameute ses troupes, les matériels et documents, détournés du 152è RI de Lapalisse, sont récupérés. Mais alors que tout semblait fonctionner normalement, le 17 mars la Gestapo lancent une opération de ratissage, à Saint Bonnet de Quarts, qui va faire des dégâts. En effet deux compagnons d’Alice sont arrêtés et faits prisonniers alors qu’ils sont dans l’hôtel de la Paix qui est la proie de flammes. Ils seront déportés à Neuengamme tout comme la propriétaire Mme Monin déportée à Ravensbruck. Alice prendra, elle, beaucoup de risques pour échapper au ratissage, à la Croix du Sud, alors qu’elle effectuait un trajet par autobus entre Arfeuilles et Roanne, elle s’en sort miraculeusement et cache sa serviette de documents (qu’elle récupéra 3 jours plus tard) dans la neige. La région est toujours occupée, mais le 18 juin l’ordre du sabotage d’une voie ferrée tombe. La tâche revient au groupe Alice qui doit faire stopper, par déraillement, la liaison ferroviaire Roanne-Lapalisse. Le tunnel du Crozet sera obstrué… et le convoi stoppé. C’est à partir de cette période que sa collaboration avec la 9ème compagnie du lieutenant Deabridges va s’intensifier (le lieutenant Deabridges finira Général de division). Alice est de toutes les actions. Chargée de mission à St Etienne, Lyon, Clermont elle est recherchée par toutes les polices, chaque déplacement est un réel danger. Elle a une vie de clandestine, couchant là un soir, ailleurs le lendemain. En juin 1944, son grade de lieutenant est officialisé par Londres. La milice elle aussi ne fut pas en reste ! Elle mena des opérations similaires qui conduisirent Alice et son Groupe à plus de prudence. Alice Arteil recentrera ses troupes à la Pacaudière avant de regagner Arfeuilles à la date prévue : le groupe au complet…
Nous sommes le 6 Juin 1944. Bien que les armées allemandes soient partout en difficulté, la milice accompagnée des renseignements généraux, continue son œuvre destructrice comme si de rien était. Le 6 juillet, alors qu’il cherchait le contact avec Roussel, Jean Carrier et un compagnon, tous deux du groupe Alice, sont arrêtés et envoyés au RG à Vichy. Le secteur devient dangereux, il est urgent de changer de lieu, la cache est évacuée et Alice est chargée d’organiser le repli et la mise sous protection du commandant Roussel qui allait devenir le Colonel Colliou jusqu’en Mai 45. Après Saint Germain l’Espinasse, les Archers, c’est vers Varennes sur Allier que le groupe se dirige. Et les sabotages et coups de force s’intensifient. Coupures de lignes téléphoniques, à Saint Martin d’Estréaux, Alice s’empare d’un camion atelier de l’Armée allemande et d’une moto BMW après avoir neutralisé les soldats. La moto sera celle d’Alice jusqu’à Belfort. Les lieutenants Deabridges et Arteil préparent une mission Le groupe Alice intervient également aux cotés des commandos Aymé et Deabridges : Lignes téléphoniques, convoi de la Milice, aiguillage d’Arfeuilles.
Nous sommes alors le 19 Aout 1944. Le 22 Août le groupe d’Alice se livre à un sabotage bruyant en gare de Lapalisse : la population sort dans la rue et acclame les Résistants. Le 24 Août, les gendarmes d’Arfeuilles sont désarmés et le 25 Août Montluçon est libérée. Le 28 Août dans Vichy libérée, Alice et son Groupe défilent aux côtés de Roussel (Colonel Colliou) dans les rues de la cité thermale. La ville de Moulins sera libérée début septembre. Le 3 Septembre, 1944 un train blindé armé d’une puissante artillerie sur wagons plate-forme achemine des prisonniers et officiers allemands de haut grade entre Moulins et Digoin. Les groupes de résistants, Colliou/Alice, sont chargés de stopper le convoi et le faire dérailler. Alors qu’ils procèdent au sabotage des voies, ils sont contraints d’ouvrir le feu sur une colonne allemande. Pris en tenaille, entre la colonne et le feu nourri des canons et tourelles qui venaient du train blindé, ils ne purent que s’échapper à travers bois jusqu’à Dompierre. Dans ce combat ALICE, chef du commando, FAILLIT PERDRE LA VIE. Juchée à l’arrière sur une moto, elle arrivait en sens inverse avec des instructions. Le motard eut la présence d’esprit de lancer sa moto dans un profond fossé. La moto se renversa sur ses deux passagers et Alice eut la jambe brûlée assez gravement mais continua le combat. Arrivés à Dompierre, Alice et ses hommes attaquèrent à la mitrailleuse, tout l’après-midi les Allemands retranchés dans la gare. Les Allemands furent finalement neutralisés en début de soirée.
Automne 1944 : finis les embuscades et autres attentats, c’est l’époque de « l’amalgame » entre l’armée régulière et les troupes formées par les maquis. Le lieutenant Arteil et ses hommes sont incorporés à la 9ème Compagnie du Lieutenant Deabridges. On la trouve successivement dans le Doubs, pour la libération de Montbéliard. Son entrée en tenue de combat dans Valentigney restera inoubliable. Puis ce sera Belfort et Colmar. Le groupe participe aux combats d’Alsace, puis à partir de Janvier 1945, il sera, y compris ALICE incorporé au 152e R.I., le régiment des « Diables Rouges », l’un des plus prestigieux de l’armée française. Elle y conservera son grade et son commandement. Elle participera à la campagne du Rhin et du Danube et à la prise de Stuttgart. Ils seront enfin redirigés à Singen vers le Lac de Constance où ils termineront la Guerre.
Le 1er Avril 1945 Alice ARTEIL demande sa démobilisation : elle a estimé que l’heure était venue de réintégrer son foyer, pour retrouver sa fille, 5 ans, et son mari libéré par les troupes russes. Ils reprennent alors, près de Saint Romain d’Urfé le fil d’une vie civile interrompue 5 ans plus tôt. La participation du lieutenant Arteil à la Résistance, puis aux campagnes de la libération, lui vaut de recevoir un certain nombre de décorations, dont la Croix de Guerre, avec la citation à l’Ordre de l’Armée, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, la Croix de Combattant Volontaire de la Résistance, la Croix du Combattant Volontaire, la Croix d’Honneur Franco-Britannique, l’ordre de la Résistance du Luxembourg, la Croix de Commandeur de l’Étoile de la Résistance Franco-Belge, etc. Alice meurt à Boën (Loire) en Octobre 1995.