La fin tragique d’un maquis
A l’initiative de Roger Kespy et André Mandart, un maquis s’est constitué sur le territoire de Châtel-Montagne et Saint-Clément, dès février-mars 1943. Il regroupe d’abord essentiellement des réfractaires au STO, et manque d’armes et d’équipements. D’abord dépendant de l’AS (Armée Secrète) ce maquis devient FTP au début de 1944, après l’arrestation de son chef Roger Kespy.
Le maquis de Châtel-Montagne a souvent changé d’emplacement, car les conditions de vie pouvaient être difficiles, à cause des pluies, du froid, de la neige ; mais il y avait aussi la peur d’être dénoncés et victimes d’attaques des troupes allemandes comme ce fut le cas dans les Bois Noirs et à Saint-Nicolas des Biefs. Après avoir changé de lieu à plusieurs reprises, le maquis de Châtel s’installe à la Pourrière, juste en dessous d’où nous nous trouvons, fin décembre 1943. Il regroupe alors essentiellement des réfractaires au STO et ses effectifs sont très variables. Certains membres proviennent d’autres maquis, d’autres rejoignent des camps voisins. Malgré cela, de nombreuses opérations sont montées, comme le rapt de véhicules et de carburant, la récupération d’armes ou de titres d’alimentation, la capture de miliciens, la création de réseaux de renseignements et de résistance, et même l’attaque de la gendarmerie du Mayet de Montagne.
L’un des cadres de ce maquis est un nommé Georges Gouverneur. Il a rejoint le campement en octobre 1943, se présentant comme un spécialiste en armement. Il se rend souvent à Vichy pour aller voir, dit-il, son patron armurier. Il promet beaucoup d’armes mais n’en ramène que peu, il donne des ordres parfois incompréhensibles, comme d’enlever la toile goudronnée des abris d’un précédent camp ou d’arrêter les passants sur la route de Saint-Nicolas. Des soupçons commencent à peser sur lui, il raconte alors qu’il s’est fait tirer dessus par une patrouille allemande au Mayet. Il se tire même une balle dans le bras pour être plus crédible. Il connaît bien tous les membres du campement de la Pourrière, il en est même l’un des dirigeants, le moment venu, sa trahison n’en sera que plus fatale.
Le 3 février 1944, alors qu’il se trouve à Vichy, il rencontre Georges Weiss, agent de renseignement du maquis de la Pourrière, et ensemble, ils prennent le « tacot » pour regagner le Mayet. Un inspecteur de la Milice, Emile Fradin, de Ferrières, se trouve dans un wagon, en compagnie de deux gendarmes du Mayet. Il décide de s’emparer des deux hommes dès l’arrivée en gare, mais Weiss reconnaît Fradin et aperçoit les gendarmes peu avant la gare, il saute à contre-voie et réussit à s’échapper et regagner le camp. Il ne se doute pas de la trahison de Gouverneur, pour lui, Gouverneur est une victime, il s’est fait arrêter, il faut le délivrer. Une dizaine de camarades du maquis vont donc attaquer, dans la nuit du 3 au 4 février, la gendarmerie du Mayet, espérant délivrer Gouverneur, alors que celui-ci collabore avec la Milice. Bien sûr, il n’y est pas, il a rejoint Vichy et planifié, avec le milicien Fradin, l’attaque du maquis de la Pourrière aidé par les GMR.
Celle-ci se déroule le 4 février, de bon matin. Le camp est mal gardé car les hommes sont exténués par l’attaque nocturne de la Gendarmerie du Mayet, ils ne se rendent pas compte de l’encerclement du campement. Les GMR se garent en contre-bas du camp et progressent à pied sans se faire remarquer. Ils prennent position sur la route où nous sommes, en surplomb de la ferme de la Pourrière. Le piège se referme, l’attaque est déclenchée soudainement. Les maquisards n’ont pas le temps de s’organiser pour se défendre et sont tous arrêtés, fouillés, leurs armes saisies.
Fradin appelle lui-même un à un les maquisards d’après la liste que lui a fournie le traître Gouverneur ; ils sont 23. Tous sont emmenés à Vichy, puis emprisonnés à Cusset et Riom. Durant ces détentions, ils sont interrogés avec brutalité. Transportés à Compiègne, ils sont ensuite déportés à Dachau en juillet dans le « train de la mort ». Sur les 23 déportés, 9 sont morts dans les camps. Trois autres membres du maquis ont été arrêtés après l’attaque et sont morts fusillés.
Quant au traître Gouverneur, il sera lui-même arrêté en 1945 à Saint-Germain-des-Fossés, et emprisonné à Cusset. Il survit à un lynchage le 2 juin 1945, puis est condamné à mort par la Cour de Justice de l’Allier. Grâcié par le général de Gaulle, il meurt en liberté en 1984.