22 Janvier 1944, la petite commune de LAFELINE vivait une tragédie, cinq habitants dont l’instituteur, étaient arrêtés par la Gestapo.. Interrogés, torturés, ils étaient ensuite dirigés vers divers camps de concentration en Allemagne.
A l ‘initiative du Comité ANACR de St-Pourçain, auquel s’étaient jointes les sections FNDIRP et ARAC, il fut décidé de rendre hommage à ces cinq déportés en apposant une plaque commémorative avec l’accord de la municipalité, sur le mur de l’ancien secrétariat de Mairie où l’instituteur Georges Blanchard avait été arrêté.
La veille de la Journée Nationale de la Déportation était la date qui convenait le mieux pour cette cérémonie.
Monsieur Yves SANVOISIN, Maire de Lafeline et Christian BERTRAND, responsable du Comité ANACR de St-Pourçain ont accueilli dans l’ancienne cour d’Ecole les familles des déportés, les personnalités(*), les élus, les représentants du monde combattant, résistant, déporté, et leurs porte-drapeaux.
Dans un profond silence, Mr le Maire, Nicolas THOLLET, Conseiller Général Subdélégué aux AC, et les familles des déportés (Mme Thomas et son arrière petite Fille, ainsi que Marie et Martin, petits-enfants de Mr Blanchard) se sont dirigés au pied de la plaque. Ce fut un grand moment d’émotion lorsque Mme Alice THOMAS -née FORT- procéda au dévoilement de la plaque et découvrit les noms gravés de son père, de sa mère et de son frère .
Devant une assistance d’une centaine de personnes et une dizaine de porte-drapeaux , successivement , Monsieur le Maire, Monsieur André FANAUD, ancien résistant, Vice-Président du Comité ANACR de St-Pourçain, Monsieur François DEMAEGDT Président des Amis de la Déportation, Monsieur Nicolas THOLLET Conseiller Général Subdélégué aux Anciens Combattants, Monsieur Jean MALLOT député, rendirent, chacun avec leurs mots, un vibrant hommage à ces cinq martyrs lafelinois victimes de la barbarie nazie.
Il appartenait à François DEMAEGDT de procéder en détail au récit du déroulement de cette sombre journée du 22 Janvier 1944 et d’évoquer ce qui en découla.
« Cinq heures du matin , la ferme des FORT à Mont-Rousset est cernée par la Gestapo et les soldats allemands. Louis (42 ans) son épouse Germaine (39 ans) leur fils Roger (19 ans) et leur domestique, réfractaire au STO, Georges BOURRIENNE (24 ans) sont arrêtés.
Huit heures et demie, l’opération continue, le convoi nazi stoppe devant l’école. La Gestapo se dirige vers le secrétariat de Mairie et procède, sous les yeux de son épouse Germaine, à l’arrestation de l’instituteur, Georges BLANCHARD (35 ans).
Qui étaient-ils ?
Georges BLANCHARD, déporté à Buchenwald.
Instituteur à Lafeline depuis 1931, il exerçait aussi le secrétariat de mairie. Il profite de cette fonction pour établir avec l’aide de son épouse des fausses cartes d’identité, des fausses cartes d’alimentation, des faux certificats d’exemption du STO. Assisté par son épouse Germaine, il tire des journaux clandestins, il aide à la constitution des maquis à Voussac pour le camp Henri Barbusse, à Meillard pour les maquis Hoche et Casanova. Les résistants traqués , les agents de liaison sont hébergés chez les Blanchard.
Louis FORT, déporté à Buchenwald.
Mobilisé le 26 Août 1939, il est arrêté le 27 Décembre et condamné à 6 ans d’emprisonnement pour propos défaitistes et propagande communiste. Interné à Clairvaux puis à Riom il est libéré le 19-11-1942. Le 5 Août 1943, il est chargé par le Comité Régional de former un groupe FTP.
Roger FORT, déporté à Buchenwald.
Comme sergent , il est chargé de la formation de la 2ème compagnie FTPF en stationnement à Lafeline.. Il participa à la prise du dépôt d’explosifs de Bransat le 15 Septembre 1943 et au sabotage du transformateur du Theil. Deux actions qui lui valurent une citation à titre posthume.
Germaine FORT, déportée à Ravensbruck.
Elle s’employait à confectionner les repas et laver le linge des hébergés.
Chez les Fort, l’hébergement des résistants traqués, des agents de liaison, des réfractaires au STO que l’on cache, tout ce qui supporte la Résistance fait partie du quotidien.
Georges Bourrienne, déporté à Mauthausen en Autriche.
Il se trouvait chez les FORT le jour de la rafle.
Ce n’est par hasard que la Gestapo s’était dirigée vers ces deux familles lafelinoises. En effet, leur intense activité au sein de la résistance, leur aide aux camps Henri Barbusse, Hoche , Casanova, leur opposition au régime pétainiste étaient connues de la collaboration.
Que sont-ils devenus ?
Louis FORT est arrivé à pied à Bergen Belsen. Libéré par l’armée britannique. Il est rapatrié sur Bruxelles où il est resté un mois à l’hôpital
Germaine FORT est restée au camp de Ravensbrück jusqu’au moment où elle a été évacuée sur Bergen Belsen. Elle fait partie des 11 femmes françaises libérés le 9 Avril 1945 à la frontière germano-soviétique par la Croix Rouge par échange de prisonniers . Elle est rapatriée le 8 Mai 1945.
Roger FORT est décédé au cours de l’évacuation à Mieste. Son corps ne sera jamais retrouvé.
Georges BOURRIENNE est décédé le 15 janvier 1945 à Mauthausen. Pour lui aussi, son corps ne sera pas retrouvé.
Georges BLANCHARD, libéré le 23 Avril 1945, est rapatrié sur Paris, le 15 Mai 1945.
Cette cérémonie a réuni la grande majorité des anciens lafelinois qui ont apporté leur pierre à la construction de la Résistance à l’ennemi nazi. Tous se sont remémorés cette terrible année 1944.
De nombreux anciens élèves de Mr Blanchard, présents parmi l’assistance, ont évoqué, les larmes aux yeux, cette sombre journée du 22 Janvier.
Marc se souvient : « j’ avais sept ans et j’ai vu mon instituteur monter dans le camion encadré par deux allemands, mitraillette au poing. Ensuite Mme Blanchard nous a demandé de repartir chez nous »
Après la Marseillaise et le Chant des Partisans, la municipalité a convié les participants à un vin d’honneur.
(*) les personnalités :
Mr Jean Mallot député, Nicolas Thollet, Conseiller Général Subdélégué aux AC, Lieutenant Moreau, commandant la brigade de Gendarmerie St-Pourçain-Chantelle,
Lieutenant Avignon, chef du Centre de Secours de St-Pourçain. , Mr François Demaegdt , Président de l’AFMD, Messieurs les représentants départementaux des associations ANACR, ARAC ; FNDIRP, réfractaires STO
Sur les photos on remarque les petits-enfants BLANCHARD, Alice Thomas née FORT (fille de Louis et Germaine) avec ses enfants et son arrière petite-fille.