Nécrologie

23 février 2022

Article proposé au journal La Montagne le 23 février 2022

Lucien DEPRESLES

Lucien DEPRESLES était né à Cressanges en 1923.

Il était sorti de l’école en 1936 avec le Certificat d’Etudes primaires pour aider à la ferme où son père était malade. Son engagement précoce dans la Résistance se poursuivra après guerre plus de trois quarts de siècle dans l’activité associative (ANACR, FNDIRP, AFMD, ARAC) et dans la vie politique locale.

Militant à l’UJARF dès 1938, il a adhéré au Parti Communiste clandestin en novembre 1941. Lucien DEPRESLES sera plus tard élu à Meillard conseiller municipal et maire adjoint de 1953 à 1963, puis maire de 1963 à 1989.

17 ans à peine à la déclaration de la guerre, Lucien est dans une famille qui ne supporte ni la capitulation ni la collaboration pétainiste. Modestement, il disait souvent qu’il n’a rien fait d’autre que son devoir ; mais c’est un engagement de tous les instants, combien risqué et courageux qu’il a partagé avec ses proches.

Avec Armand Berthomier, son voisin au village des Champs il distribue tracts des journaux clandestins dans les communes des environs et s’occupe de cacher les armes récupérées pendant la débâcle de l’armée française qu’il confiera plus tard aux maquisards du Camp Hoche. 

Le secteur de Meillard ayant été choisi pour accueillir les clandestins du groupe armé de Montluçon, c’est Lucien qui conduira Georges Gavelle dans les bois des Champs au fond de la vallée du Douzenan pour décider de l’implantation du Camp Hoche.

Lucien Depresles s’occupait aussi du ravitaillement. Début novembre 1943 réfractaire aux Chantiers de jeunesse, il entre en clandestinité et va de cachette en cachette avec quelques retours au village des Champs. Lors d’un de ses passages il avait assisté de loin avec son frère et son père, impuissant, à l’arrestation de sa mère et de sa sœur le 21 mars 1944.

Il avait rejoint le maquis Casanova le 10 juillet 44 à Renaudière. Lors de l’attaque du 15 juillet, il a sauvé ses camarades en les conduisant à travers champs et bois jusqu’à Besson où ils arrivèrent le 17 juillet à l’abri à proximité du château du Prince de Bourbon, assoiffés et affamés.

GMR et Milice attaquent les maquisards de Casanova le 18 juillet faisant deux morts et un blessé.

Echappant à l’encerclement, Lucien Depresles et ses camarades vivront des semaines d’errance dans les villages des environs pour se reformer et participer à la libération de Moulins.

Avec ses camarades, Lucien avait raflé la garde du pont Régemortes faisant huit soldats Allemands prisonniers avec leurs armes ; plus tard il a participé à la récupération des armes des GMR en Sologne Bourbonnaise avec le commandant Brigand.

Après l’action clandestine Lucien s’engage dans l’armée de la Libération.

Le printemps 1945 verra la terrible épreuve du retour de déportation de sa mère qui n’y survivra guère en s’éteignant le 15 mai 45. Envoyé dans l’Est il sera démobilisé fin novembre 1945.

Le « monde d’après » pour Lucien Depresles c’est le retour à la vie et au travail… et à l’engagement citoyen associatif et politique. Ce sera aussi le temps du « plus jamais ça », le temps du témoignage et de la transmission.

Lucien a travaillé pendant des années à la transmission de la mémoire de la Résistance auprès des plus jeunes générations avec sa voisine au village des Champs, Jeannine Dufour, et d’autres complices Robert Fallut ou Roger Vénuat… La valeur de ce qu’ils ont fait n’a eu d’égale que leur modestie.

La reconnaissance de ce parcours a été bien tardive. Promu le 30 décembre 2016 chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur, Lucien Depresles a reçu sa distinction le 1er avril 2017 des mains de Jean-Claude Mairal.

Après les Joyon, Livernais et tant d’autres Lucien Depresles est un des derniers grands témoins acteurs de la Résistance que nous perdons. Au sein de l’ANACR, comme à l’AFMD le relais est pris pour poursuivre le travail entrepris à leurs côtés et continuer de faire vivre la mémoire et les valeurs de la Résistance sans qu’aucun d’entre eux ne soit jamais oublié et ouvrir aux jeunes générations la perspective des « Jours Heureux ».

La foule était nombreuse au cimetière de Meillard le 19 février dernier à repartir triste en partageant le souvenir de Lucien, de son sourire malicieux, mais aussi avec un peu de ses espérances.

Daniel Levieux
(président du comité local de l’ANACR Meillard-Le Montet)