le club Mémoire du collège Jean de La Fontaine
Quand les Juniors s’emparent de la Mémoire !
L’idée de ce club de collégiens volontaires et de travailler sur « autrefois » pour ne pas oublier. Savoir qui l’on est, d’où l’on vient, pour avancer dans le présent et le futur en tant que citoyen éclairé et engagé. La connaissance de la Résistance et des valeurs de la République sont également au coeur d’un projet multiforme
MEMORIAE est une aventure « devoir de mémoire » menée au collège Jean de La Fontaine, de Saint Germain-des-Fossé ; elle a désormais six ans. Menée au Centre de Documentation et d’Information par le professeur documentaliste, Christophe Boutier, elle touche en premier lieu les élèves volontaires qui se réunissent pendant leurs heures d’étude au CDI.
Les professeurs et leurs classes rejoignent parfois les projets tout comme les parents qui n’hésitent pas à s’investir certains weekends dans l’année en accompagnant leurs enfants quand les activités, une visite, un voyage, débordent du cadre scolaire. Le monde associatif local – Les Amis du Passé de St Germain, L’électrodrôme de Magnet, Le Souvenir Français de St Germain-des-Fossés et de Vichy ; Allier Généalogie, Les amis du vieux Cusset – et départemental – l’ANACR 03, l’ONAC, – sont aussi sollicités pour aider à réaliser les nombreuses CREATIONS.
Créer
C’est le maître mot de MEMORIAE :
. cinq ouvrages documentaires écrits et imprimés grâce à un mécène ;
. trois courts-métrages réalisés dont un docu-fiction ;
. deux spectacles théâtraux écrits et interprétés sur la vie dans les maquis, la Résistance des femmes et des enfants ;
. des expositions construites avec des décors sur la Résistance de St Germain-des-Fossés…
Memoriae a aussi participé à des cérémonies officielles notamment lors du 11 novembre par le biais de lectures à voix hautes de lettres de poilus de Vichy et de chants. Désormais, le club s’est doté d’un polo floqué, d’un logo et de rollup, de grandes toiles colorées pour sa communication.
Rencontrer
Memoriae, c’est un projet concret de recherches d’informations au CDI pour apprendre, connaître. C’est aussi un projet basé sur la rencontre : l’ailleurs, l’autre…
Voyager, partir de chez soi, découvrir des terroirs, voir, interroger et écouter des Hommes, des Femmes, quel que soit leus âge, pour gommer ses peurs -des peurs vectrices parfois de bien des bêtises-…
La transmission par la parole en cultivant la richesse de la rencontre des grands anciens pour s’améliorer.
captation vidéo de l’intervention de Ginette KOLINKA, le jeudi 15 septembre 2022
Chaque année, des témoins et acteurs de l’Histoire sont invités à venir rencontrer des classes entières : Guy-Pierre GAUTIER est venu depuis La Rochelle parler de son engagement dans la Résistance à 16 ans, son emprisonnement à la prison d’Eysse puis sa déportation à Dachau ; André CRETIER a raconté sa résistance en région parisienne ; les régionaux, Eugène LAURENT, Lucien GUYOT, Lucien FROBERT, Marguerite FAUVERGUE ont témoigné de la leur dans le Bourbonnais… Francine LAURENT a accueilli chez elle, à Lavoine, les élèves tout comme Lucien SECHAUD. Emile CHAUNIER, à Bonnaventure, en a fait de même pour évoquer les « légaux » qui ravitaillaient les maquis en Montagne Bourbonnaise.
Les 3ème Memoriae ont fouillé les bois vers La Guillermie, sur les indications de Lucien Frobert, pour trouver la planque du maquis des Bois-noirs ainsi que sous les gravats une de ses chaussures et un crochet à lapin. Ces vies sont devenues un court-métrage de 20 minutes qui a nécessité deux jours de tournage dans la neige pendant les vacances de février 2018. Avec l’aide des parents, encore et toujours : sans eux qu’aurait-il été possible ? Deux jours de rire, de partages et de rencontres formidables et chaleureuses, marquantes à jamais ou les jeunes ont bâti la totalité du film. Plus de profs, plus d’adultes, plus d’élèves, seulement des gens oeuvrant pour un objectif commun et motivant : la réussite du projet.
La dernière rencontre en date fut celle du jeudi 15 septembre 2022 où à la demande de MEMORIAE, Ginette KOLINKA, ancienne déportée d’Auschwitz-Birkenau, de Bergen-Belsen… du haut de ses 97 ans a quitté Paris pour venir captiver les 85 élèves de 14-15 ans et les adultes présents, pendant trois heures. Impressionnant silence dans la salle quand Ginette Kolinka, conteuse indéniablement talentueuse, raconte son histoire au présent. Ginette parle de la nudité des corps dans le camp, du passage obligé dans ce lieu qu’on ose appeler… toilettes. L’auditoire ferme les yeux. Les mots ont du poids. Ginette Kolinka marque les esprits, elle sème de petites graines…
Et à chaque fois, un même sentiment. Le regret de n’avoir pas commencé à travailler sur la mémoire, plus tôt tant ces hommes et ses femmes qui dédient leur vie à raconter sont merveilleux et d’une richesse fabuleuse. Les livres, les films… ne possèdent nullement la force du témoignage. Les élèves sont unanimes : rencontrer des témoins ou se rendre sur les lieux de mémoire est une obligation absolue. Cela permet d’apprendre encore davantage et mieux
Les MEMORIAE et les autres élèves du collège Jean de La Fontaine ont découvert que, malgré leur grand âge, 98, 94 ans… et les horreurs de la guerre, ces témoins conservaient malgré tout une incroyable et belle vitalité faite de rires et de bons mots. Que leur venue est essentielle ! Qu’ils venaient témoigner sans larme et sans haine dans un seul but : bannir la haine du monde ; cette haine qui amène toujours la désolation. Quelle ne fut pas leur surprise quand l’ancien déporté Eugène Laurent de Lapalisse leur dit avec malice s’être vengé de ce que les nazis lui avaient fait subir en… épousant non pas une mais deux allemandes ! Oui, des rencontres toujours marquantes. De belles personnes du genre de celles qui vous marquent un homme que l’on est fier de connaître. Des rencontres qui vous aident à réfléchir et qui vous accompagnent ensuite tout au long de voter existence. Les élèves disent se souvenir de M. Guyot, de M. Crétier… Ils ne les ont vu que 3h00 pourtant. Mais…
Memoriae fait une belle place aux romanciers. Le roman nourrit une vie. Il instruit ; il construit les individus qui peuvent vivre mille vies et trouver bien des réponses à leurs questions dans les pages des livres. Le Goncourt de la nouvelle, Didier DAENINCKX, a raconté Manouchian. Philippe BARBEAU a rencontré les classes du collège pour parler de la débâcle et les passeurs adolescents du Cher ; Christian GRENIER, lui, de la résistance au sein de la Comédie française ; Arthur TENOR a écrit une biographie fictive du soldat inconnu… Daniel PENNAC a parlé de l’enfance.
Ces témoignages sont l’objet de captation que l’on peut regarder sur la chaîne Youtube du club mémoires, Memoriae, pour conserver une trace et pour mutualiser les connaissances auprès du plus grand nombre.
Dans cette optique de partage, d’apprentissages et de conservation de la mémoire et des valeurs de la Résistance, le projet MEMORIAE se veut… intergénérationnel. Des sorties sont donc organisées au sein du club le weekend – une volonté, celle de s’engager, gratuitement ! – pour les membres et leurs familles. Et ça fonctionne ! Une cinquantaine de membres a visité le Mont-Mouchet ou encore la sape et le musée de la zone 13 dans les Combrailles. L’an dernier, ce fut en Terre Limousine que les Memoriae ont voyagé : d’abord, dans la montagne, où Michèle Guingouin, fille de Georges Guingouin, au cours de trois heures de randonnée, a instruit le groupe sur les lieux de la bataille méconnue du Mont-Gargan ; ensuite, au village martyr d’Oradour-sur-Glane où Henri Diot du comité de Vichy de l’ANACR 03 a conté le drame de la journée du 10 juin 1944. Ce fut aussi le « bus de la Mémoire » organisé par l’ANACR 03 en Montagne Bourbonnaise à la découverte des stèles..
MEMORIAE, qui a débuté avec 12 membres pour atteindre les 40 l’année du COVID, fonctionne comme une association avec un bureau élu, un président qui est en classe de 3ème, un secrétaire, un trésorier, des responsables de commissions pour rendre acteurs les jeunes et les responsabiliser au maximum. Les courriers envoyés sont reconnaissables au blason d’en-tête et aux tampons encreurs officiels soulignant la fonction du signataire du document.
La réussite est souvent venue accompagner ces jeunes très… INVESTIS : ils ont plusieurs fois remporté, au niveau départemental, le Concours National de la Résistance et de la Déportation dans la catégorie « travaux collectifs » ainsi que la 1ère ou la 2ème place au niveau académique ; ils ont aussi obtenu le 1er Prix de l’Education citoyenne et une Reconnaissance cette fois Nationale au niveau de l’Ordre National du mérite. Le travail reconnu a parfois permis de bénéficier de dons de la part du Souvenir Français de St-Germain-des Fossé ou de la Section Allier de l’Ordre National du Mérite.
Aujourd’hui, les grands Memoriae préparent un nouveau film sur l’école et la résistance ; les vingt-six plus jeunes, eux, s’attaquent à l’histoire de St Germain des Fossés au XIVème siècle en organisant une grande fête médiévale dans l’enceinte du collège le 1er juin 2023 qui verra pousser une multitude de tentes et d’échoppes abritant une 20e d’ateliers interactifs pour 300 élèves, du CM2 à la 3ème.
2022, les derniers témoins s’en vont : qui les remplacera ? Ginette KOLINKA en appelle aux enseignants et aux élèves qu’elle rencontre chaque année, afin que ceux-ci deviennent à leur tour des « passeurs de mémoire. » Car ce ne sont pas de vieilles histoires que viennent raconter les anciens résistants ou les anciens déportés. Ces histoires parlent de nous ; elles parlent d’aujourd’hui à l’heure où dans le monde la folie semble s’emparer à nouveau des Hommes.
Memoriae est né d’un constat : la nécessité de s’engager auprès de la jeunesse pour aider les futurs citoyens à bien grandir. L’idée de faire quelque chose, de faire sa part, modestement, à son petit niveau. Une chose est certaine : quand l’adulte est présent, la jeunesse est au rendez-vous, prête à suivre, prête à VIVRE.