Le camp de Gurs
Au hasard d’un périple en Béarn la roulotte a fait étape à Gurs.
Jusqu’alors connue de l’histoire racontée dans les livres, nous allions fouler la terre de la mémoire du camp ; et quelle ne fut pas notre surprise à cette découverte…
Il ne reste rien du camp. Une fois les baraques rasées et le bois replanté… rien que le cimetière et la terre rendue à l’usage ordinaire…
RIEN, et TOUT à la fois dans ce qui avait resurgi d’une nature reconquérante.
Les hommes et les femmes attachés à la mémoire du camp ont posé les jalons de la mémoire tout au long de deux petits parcours initiatiques. Le travail de l’association produit bien l’effet des retrouvailles avec l’histoire ; au fur et à mesure du cheminement c’est bien toute l’horreur de l’internement et de ses angoisses, toute la charge d’injustice et de violence qui se reconstruit dans le paysage d’un aujourd’hui devenant aussi irréel qu’impuissant à masquer sa honte passée.
il aura fallu quelques heures de flânerie et de songe pour retrouver le sens du mémorial. En repartant de Gurs c’est d’un camp à l’autre que le concepteur du mémorial nous conduit, des baraques de l’internement aux barbelés d’Auschwitz, là-bas, au bout des rails.
Monument, stèle ou mémorial, il faut souvent du temps pour que soient semés ces petits cailloux blancs jalonnant les chemins de la mémoire qui conduisent à l’histoire. Et dans l’histoire de Gurs, l’effacement brutal de l’immédiat après-guerre mettra des décennies à laisser resurgir le souvenir pour qu’il s’affiche à la face du monde en bel emblème du combat des vigilants.
La construction était si fragile qu’il ne fut sans doute pas si compliqué de l’anéantir comme on avait ici anéanti l’humanité de plus de 60 000 hommes, femmes et enfants en cinq années de barbarie.
Mais c’est quand même avec un certain malaise que la visite, 70 ans après, fait se mêler les barbelés d’un morceau de mémorial avec celui, si banal d’une parcelle d’herbage. Là, on vient déverser quelques déchets verts à l’orée du cimetière du camp à l’abri dérisoire de son mur, et là telle construction d’aujourd’hui a nécessairement dans sa terre les larmes et le sang remontant dans la sève de la forêt plantée là.
Ce camp qu’on ne voulait guère ici méritait-il autant d’oubli ? C’est bien là que doit se mesurer l’extraordinaire mérite de celles et ceux qui, avec l’Amicale du Camp de Gurs, ont su retrouver et imposer la trace de cette mémoire aux citoyens d’aujourd’hui et de demain.
Dans un espace ouvert -que pouvait-on faire d’autre ?- c’est un bel hommage rendu aux internés du camp ; les parcours aménagés dans l’espace et jalonnés de signes, d’images et de mots conduisent le visiteurs à la conscience. Au sortir de ces lieux, la terre engazonnée est redevenue le bourbier du camp, les barbelés du pré sont redevenus ceux de l’enfermement et le quai qui tout à l’heure ne conduisait nulle part à l’horizon flou nous ramène à l’impérieuse nécessité de la vigilance.
La bête immonde n’a pas rendu son dernier souffle.
Le Camp de Gurs était en France, les plus de 60 000 internés qui y furent enfermés, « indésirables » de partout, étaient gardés par des français, La barbarie n’est pas qu’étrangère et les esprits faibles d’aujourd’hui sont d’autant plus perméables à l’idéologie de la violence, de la haine et de l’exclusion que les valeurs de la République sont moins prisées que celles de la bourse, nourrissant toutes les peurs dans la désespérance.
Pour mieux connaître, une visite sur les lieux s’impose ; mais à défaut, celle du site de l’association est bien nécessaire… à faire connaître sans modération !
Ce propos doit beaucoup à la rencontre aussi fortuite qu’improbable faite sur les chemins du site avec Maïté ESTOP-EXTRAMIANA et Jean ORTYZ, tous les deux militants de la mémoire de Gurs. Aussi brève que fut notre rencontre, nos quelques échanges ont scellé une communauté d’intérêts et de convictions qui réconforte.
La lutte pour la liberté, la justice et la paix brûle toujours d’actualité.