Nous nous sommes rassemblés à 18 heures devant la stèle du Montcel à Saint-Sornin pour un dépôt de gerbe et un temps de recueillement à la mémoire des combattants de la Résistance dont l’engagement contribua
. à la victoire contre les forces d’occupation Allemandes et la collaboration pétainiste,
. à la Libération du pays,
. à l’inscription de la France dont ils représentaient l’honneur dans le concert des nations victorieuses,
. au rétablissement de la démocratie républicaine.
Prise de parole
Il y avait bien plus de vingt ans que l’ANACR demandait qu’une journée nationale de la Résistance prenne place dans l’agenda mémoriel de la République…
Il aura fallu attendre le 19 juillet 2013 pour que l’Assemblée nationale adopte, à l’unanimité, une proposition de loi émanant du Sénat et instaurant le 27 mai comme Journée Nationale de la Résistance. Cette journée, dont la date a été choisie en référence à la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) le 27 mai 1943, fournit l’occasion d’une réflexion sur les valeurs de la Résistance et celles portées par le programme du CNR. À cette occasion furent réunis, dans un même lieu, au cœur de Paris occupé, les représentants des principaux mouvements de résistance français ainsi que des principaux partis politiques et syndicats existant avant la guerre. Ensemble, ils allaient œuvrer à coordonner l’action de la Résistance et, dans la perspective de la libération du territoire national, à préparer la refondation de la République.
Dans son format minimaliste la cérémonie d’aujourd’hui préserve l’usage et je vous remercie très vivement d’y participer.
Devant cette pierre nous saluons aussi la mémoire de deux jeunes Résistants : Robert RIOTHON et André HUBSCWERLIN.
Un jeune Montluçonnais, Robert RIOTHON, est ouvrier mouleur à l’usine des Hauts Fourneaux (Usine Forêt). Pour échapper au STO et à la déportation outre-Rhin il quitte sa famille et se camoufle à la mine de Deneuille les Mines. Grâce à l’obligeance de la direction il y avait facilement trouve un emploi.
Il était assis devant la cantine des mineurs avec un de ses camarades de travail, un israélite alsacien André HUBSCHWERLIN dont les parents avaient été déportés en Allemagne. Ils discutaient tranquillement quand une femme vint en courant les prévenir qu’une patrouille allemande était signalée à l’entrée du bourg de Deneuille.
A l’arrivée des Allemands, les deux hommes cherchèrent à fuir malgré les coups de feu tirés en leur direction. Les Allemands eurent vite fait de les rattraper pour s’en saisir à coups de crosses. Les jeunes réfractaires au STO voulurent expliquer leur situation, leur travail à la mine ; et André HUBSCHWERLIN qui parlait allemand leur signala que leurs papiers étaient en règle. L’officier SS refuse leur explication et leur ordonne de monter dans un des camions, emmenés vers une destination inconnue par dix-sept soldats allemands de la SS. Un des camions resta à Villefranche d’Allier ; les trois autres prirent la direction de Chappes où deux camions devaient faire halte, de sorte que le seul camion où se trouvaient les deux français continua sa route en direction de Murat. Il s’arrêta sur la route de Saint Sornin au carrefour de la Jaunerie. Les deux français furent étendus sur le plancher du véhicule, et les SS leur attachèrent les mains dans le dos. Au cours de cette nuit sans fin, un SS vint leur dire qu’à l’aube ils seraient libres. Vers 6 heures deux sous-officiers SS armés de mitraillettes montèrent dans le camion. Au croisement de la route de Saint-Sornin à Chavenon et du chemin conduisant à la ferme du Montcel, le véhicule stoppa. Les deux prisonniers furent descendus, puis conduits sous la menace des mitraillettes dans un petit chemin qui se perd dans les prés à environ deux cents mètres de la route. Un des deux sous-officiers allemands intima l’ordre aux deux jeunes français de s’agenouiller face à la haie. Deux coups de feu claquèrent dans le silence de cette matinée tragique.
Les deux hommes tombèrent la face contre terre. Un des assassins s’approcha des corps inertes pour leur donner le coup de grâce. L’herbe était tâchée du sang de ces deux victimes de la barbarie nazie. Les deux soldats se retirent après avoir ramassé les douilles et coupé les cordes qui liaient les mains des deux martyrs.
Robert RIOTHON, étendu contre son camarade HUBSCHWERLIN tué sur le coup, n’était pas mort, mais grièvement blessé. Non sans avoir perdu beaucoup de sang il réussit à se traîner jusqu’à la ferme des MERITET. Madame MERITET alerta l’instituteur de Saint-Sornin et le soir même Robert RIOTHON était dirigé vers l’hôpital de Montluçon grâce au dévouement des cheminots. Il y restera trois jours après son opération et les soins. La gestapo ayant retrouvé sa trace il devenait urgent de le cacher. Il put trouver refuge chez des parents et des amis avant d’être hébergé chez Léon VELLAY, propriétaire des Mines de Buxières et Saint-Hilaire, qui le dissimula aux recherches de la police allemande jusqu’à la libération de Montluçon.
A travers eux, en ce 27 mai, c’est à toute la Résistance que nous rendons hommage, et cette célébration intervient dans un contexte qui en atténue la portée sous les contraintes de l’état d’urgence sanitaire.
Et c’est bien dommage.
La situation du pays comme celle du monde mériterait que l’on donne plus d’éclat à la célébration de la Résistance et des valeurs qu’elle portait, plus d’ampleur à la manifestation du respect et de la reconnaissance que nous devons à celles et ceux dont l’engagement dans la Résistance a fourni l’appoint aussi essentiel qu’indispensable à la libération du pays, à la reconquête de la liberté, au rétablissement de la démocratie républicaine qui allait ouvrir l’ère de la reconstruction du pays.
27 mai 1943, 15 mars 1944…
Il avait fallu presque un an pour que dans la tourmente de la guerre les forces vives de la Résistance, réunies au sein du CNR par Jean Moulin accouchent d’un programme réunissant la graine et le terreau d’une formidable vague progressiste dont l’accomplissement sera sitôt entravé par les forces conservatrices qui n’auront de cesse d’en détricoter les avancées jusqu’à aujourd’hui.
Parmi les mesures du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) à appliquer dès la libération de la France, certaines sont conjoncturelles : confiscation des biens des traîtres et des trafiquants du marché noir, impôt progressif sur les bénéfices de guerre. De nombreuses autres constituent désormais des formidables acquis démocratiques : suffrage universel, liberté de conscience et d’expression, liberté d’association, de réunion et de manifestation, etc.
D’autres dispositions ont été mises en application dans la seconde moitié des années 1940. Avant d’être grignotées tout au long des « trente glorieuses », et avant d’être frontalement remises en cause avec un zèle tout particulier par le libéralisme des gouvernements qui se sont succédé depuis plus de trente ans.
Les principes d’action du programme du CNR n’étaient pas un catalogue d’élucubrations gauchistes, mais bien quelques règles justes établies par un CNR dans sa diversité et rassemblé autour de de Gaulle : l’indépendance de la presse à l’égard de l’Etat et des puissances d’argent ; l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ; le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques ; la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; un plan complet de Sécurité sociale… solidarité face à la maladie, la vieillesse, pour la famille…
Les auteurs d’un tel programme n’avaient pas prévu que, 77 ans plus tard, dans un pays immensément plus riche, dans un monde dont la richesse s’est accrue aussi considérablement que la misère, il aurait existé un revenu minimum d’insertion (RMI) ou un Revenu de Solidarité Active (RSA), des Restos du cœur pour empêcher des « sans-dents » de mourir de faim, un téléthon pour financer la recherche médicale, des sans domicile fixe à n’en plus finir… que la pauvreté, le chômage et la précarité seraient en pleine expansion, et que la majorité des grands médias français seraient entre les mains de marchands d’armes ou que l’Etat serait sous l’influence des petits commis des banquiers…
C’est aussi pour cela qu’il est important de se recueillir aujourd’hui, comme dans un acte simple de Résistance, devant la stèle du Montcel en mémoire de Robert Riothon et d’André Hubschwerlin et de rendre hommage à l’engagement des jeunes communistes d’ici qui leur élevèrent ce monument symbolique.
Merci à la municipalité de Saint-Sornin qui entretient régulièrement l’espace de la stèle du Montcel et qui, cette année en a rénové l’entourage.
Merci de votre présence et de votre manifestation d’intérêt pour la mémoire de la Résistance.
S’en est suivie le dépôt de gerbe puis le temps du recueillement avec la sonnerie « Aux Morts », suivi de la Marseillaise et du Chant des Partisans.
La cérémonie terminée, la municipalité de Saint-Sornin invita les participants à partager le verre de l’amitié, répartis en petits groupes à la terrasse du « Bistrot de Saint Sornin ».