LUCAS NOUS A QUITTES.
La famille et les amis de François Fernand Meulin se sont réunis au crématorium de Vichy puis au cimetière de Tréteau le 30 mai dernier pour un dernier hommage à celui qui fut un résistant plein d’audace et de conviction.
L’ANACR s’est associée pleinement à cet hommage, par la présence de ses porte-drapeaux et par la voix de Lucien Guyot, qui a prononcé une allocution honorant le courage du disparu.
Le 27 novembre 2013, François Meulin avait bien voulu confier une partie de ses souvenirs à trois membres du comité de Vichy, Frédéric Poisson, Lucien Guyot et Henri Diot ; voici, en mémoire de « Lucas » et de tous les résistants, le contenu de cet enregistrement.
François Meulin est né en 1920, il a exercé sa profession de maréchal-ferrant à Lapalisse, Saligny sur Roudon, Tréteau.
Il a 20 ans quand l’invasion allemande pousse des millions de Français, mais aussi des Belges et des Luxembourgeois sur les routes de l’exode. Il se souvient surtout de Lorrains qui sont arrivés à Tréteau, certains pour quelques jours, d’autres pour plus longtemps. Pourtant, les premiers temps de la guerre ne bouleversent pas sa vie quotidienne, tout au moins jusqu’en 1943. Membre du parti communiste , c’est tout naturellement que François s’engage dans la Résistance : « C’est venu tout seul, j’étais au PC depuis 1936, mes idées politiques m’ont poussé vers la Résistance. En 1943, quand j’ai reçu la convocation pour le STO, je suis parti sur la route ».
Rapidement, François Meulin est chargé de recruter les réfractaires au STO pour les former au combat clandestin.
Il opère, à vélo, dans le nord de l’Allier, mais aussi dans le Cher. Souffrant des genoux, il revient à Tréteau le 10 avril 1944 et, muni de faux papiers, dirige un groupe de 11 hommes, alors que les Allemands ont installé un dépôt d’armes en forêt de Jaligny.
C’est surtout après le débarquement des Alliés en Normandie le 6 juin 1944 que son activité de maquisard s’intensifie en forêt des Colettes: « Nous étions en opération tous les jours. » Les ordres venaient de l’échelon départemental, mais les compagnons de François Meulin prenaient aussi des initiatives en fonction des circonstances : « On n’avait jamais assez de travail ».
François Meulin appartient alors au camp Dionnet sur la commune de Valignat.
Fort de 45 hommes et de leurs chefs, ce camp s’installe ensuite, après un accrochage avec un détachement allemand à Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans les environs de Veauce, en pleine forêt. Parmi les faits d’armes les plus marquants, François Meulin raconte les deux déraillements de convois allemands, le 22 juin et le 6 juillet 1944 sur la ligne Gannat-Montluçon: « Nous étions pleins de bonne volonté, mais pas experts surtout en explosifs. La notice était en Américain, nous avons mal interprété les proportions, là où il aurait fallu 600 grammes, nous avons mis 2 kilos. L’explosion a été terrible, la locomotive a été projetée à plusieurs dizaines de mètres dans le talus, mais nous avons failli être brûlés sous le tunnel. » Les dégâts importants ont largement freiné les déplacements des troupes ennemies. Lors des opérations du 6 juillet, sept (ou huit) Allemands sont fait prisonniers, ils seront libérés pendant l’attaque contre le maquis de Veauce du 23 juillet. Ce jour-là, raconte François Meulin, qui n’était pas présent mais a entendu des récits, un des soldats prisonnier, un Polonais engagé de force, s’est emparé d’un fusil et a tiré sur les assaillants ; il sera fusillé sur place par les SS. Le bilan est lourd pour les Résistants qui perdent 21 hommes au cours de ces opérations. Le camp est rebaptisé « camp Marceau »en hommage à Léopold Maupas, dont c’était le nom de guerre, chef de ce groupe, victime des combats.
François Meulin , qui était dans la Creuse à ce moment-là, revient à Veauce et se regroupe avec les maquisards du camp Jean Chauvet, du Chatelard.
Envoyés à Saint-Martinien , dans la région de Montluçon, ils y mènent des opérations contre des dépôts de matériel réquisitionné par les Allemands. Ainsi, il participe à la prise de deux camions chargés de 4000 paires de chaussures destinées à l’armée allemande. Puis, François Meulin raconte l’opération menée aux usines Dunlop, comment il a fallu neutraliser les sentinelles et s’enfuir avec des camions prêts à partir pour l’Allemagne en traversant le mur d’enceinte en briques creuses. Une autre fois, aux Fours à chaux à Montluçon, François et une dizaine de camarades attaquent les Allemands qui s’apprêtaient à partir, les camions moteur en route ,tandis qu’ils prenaient leur repas : « Les gardiens, ils n’ont pas vu le jour. Avec un camarade, on est entré dans la salle où les Allemands mangeaient, ils étaient une dizaine, ça n’a pas duré longtemps, on a débarrassé la table à la mitraillette. » Puis ils s’enfuient avec cinq camions. Pris en chasse par les Allemands, ils les sèment après qu’un des véhicules chargés de soldats les poursuivant s’est encastré sous un train de marchandises à Ville-Gozet. François Meulin dirige alors, en tant que lieutenant d’opérations, cent-quatre hommes. Il prend une part active aux combats de libération de Montluçon, ne perdant qu’un homme, un tailleur de Riom, sous son commandement à cette occasion.
Après la libération du département de l’Allier, François Meulin assiste à la reddition des 18000 hommes de la colonne Elster prés de Saint-Pierre -le-Mouttier. Il est affecté ensuite à la garde de prisonniers allemands, notamment en forêt de Tronçais. Une partie de ses camarades partent alors en Tunisie, François Meulin, lui, est libéré et reprend son métier de maréchal-ferrant.
Il ne regrette pas de ne pas avoir intégré la 1ére Armée, car , dit-il : « l’armée organisée, ça ne me plaisait pas trop ». Il n’a jamais arboré la croix de guerre qui lui fut décernée, « Lucas » était un résistant, un homme d’action, sûr de ses convictions, il n’a pas recherché les honneurs mais a agi selon sa conscience avec un courage indéfectible. Il demeurera pour tous un exemple d’ engagement et d’ humilité.