Une pratique pas tout à fait nouvelle en 1940…
Le processus de rationnement est généralement attaché à des périodes de guerre pendant lesquelles la production de denrées et de services est particulièrement affectée et crée la pénurie dont la puissance publique s’efforce de faire partager les défauts.
La France avait connu des restrictions à différents moments de la Révolution de 1789 à 1793. Le rationnement avait aussi été institué pendant la guerre de 1870 avec le siège de Paris. Au cours de la première guerre Mondiale le rationnement du pain avait été institué dès 1914 et celui du sucre durera jusqu’en 1921.
Une organisation systématique complexifiée au fil du temps…
Au cours de la seconde guerre Mondiale les restrictions sont à la fois consécutives à la baisse de la production, à la dislocation des systèmes d’échanges commerciaux, et au pillage des ressources par l’occupant nazi.
Les premières mesures seront instituées dès 1940 et le dispositif ne cessera de s’étendre au fil des mois jusque bien après la fin du conflit pour en finir avec le pain en 1949.
Textiles, tabac, charbon, produits alimentaires de tous ordre vont être contingentés dans un marché de la pénurie. La population était classifiée pour hiérarchiser les besoins et ouvrir des droits spécifiques à chaque catégorie (jeunes, adultes, vieillards, etc).
Par décret du 10 mars, l’Etat Français donne un mois, jusqu’au 4 avril 1940, pour que les français se déclarent afin de se voir attribuer les tickets de rationnement correspondant à leur catégorie.
En même temps que les denrées sont contingentées, leur commerce est interdit certains jours de la semaine (bœuf, veau et mouton interdits à la vente trois jours par semaine, charcuterie deux jours et cheval, âne ou mulet un jour seulement.
Cartes d’alimentation et tickets deviennent dès lors des documents de première importance ; Celles et ceux qui vivent dans la clandestinité pour la Résistance n’en sont évidemment pas dotés !
Le temps du tri…
La classification selon l’arrêté du 20 octobre 1940 (J.O. du 23/10/1940) établit la classification suivante :
- Catégorie E : garçons et filles de 3 à 6 ans
- Catégorie J2 : garçons et filles de 7 à 12 ans
- Catégorie A : hommes et femmes de 13 à 70 ans sans activités pénibles
- Catégorie T : hommes et femmes de 14 à 70 ans occupés à des activités pénibles (liste des métiers fixée par la loi)
- Catégorie C : hommes et femmes de plus de 12 ans occupés aux travaux agricoles.
- Catégorie V : hommes et femmes de plus de 70 ans en dehors du monde agricole.
- Catégorie J3 : cette septième catégorie sera établie plus tard pour couvrir la population des jeunes de 13 à 21 ans et des femmes enceintes.
Les rations diffèrent en fonction des catégories (de 100 à 350 grammes de pain par jour, 180 grammes de viande par semaine, 500 grammes de sucre par mois… Le lait est réservé aux cartes E, J ou V et le vin réservé aux cartes T.
Pour le charbon les cartes auront des tickets de couleurs différentes en fonction du degré de priorité :
- Rouge pour les foyers sans gaz ou électricité.
- Violette pour ces mêmes foyers avec enfants de moins de 6 ans ou vieillards de plus de 70 ans à charge, sont prioritaires…
- Quant aux jaunes, ils ne sont servis que s’il en reste !Le rationnement des textiles et vêtements s’applique à trois catégories :
Satisfaction des besoins « normaux » pour les enfants de moins de trois ans.
Réponse partielle pour répondre aux besoins urgents justifiés pour les enfants de 3 à 17 ans.
Et pour tous les autres rien à l’exception des cas de mariage, grossesse, deuil, ou retour de captivité. En mars 41 des tickets spécifiques seront établis pour les femmes enceintes pour 3 langes en coton et 2 en laine, 24 couches ou triangles, six brassières de laine pour le premier âge et 100 grammes de laine à tricoter…
Le pendant des contrôles à la consommation impose un suivi aussi tatillon des productions dont le pouvoir veut maîtriser le flux des quantités réquisitionnées pour satisfaire à la distribution réglementée qu’il institue…
La contrainte et ses entorses…
La pénurie de produits conduit parfois à la non utilisation des tickets émis… Et toutes les solutions de substitution pouvaient être imaginées avec de petites cultures ou de petits élevages domestiques pour les plus chanceux. Le « système D » de la débrouillardise s’impose par nécessité.
Les carnets de tickets avaient une validité de 6 mois et devaient porter la marque de la ville ou du village où ils étaient distribués, et la liste des achats et des commerces consignée au dos…
De leur côté les commerçants devaient faire l’inventaire des tickets qu’ils recevaient de leurs clients, ce qui conditionnait leur réapprovisionnement. Le pouvoir s’évertuait à vérifier que les quantités mises sur le marché étaient bien attribuées et vendues.
Comme dans toutes les périodes de restrictions sous contrainte administrative, se développe un marché parallèle, le « marché noir », hors du contrôle administratif et où l’appât du gain de quelques-uns prospère sur le dos de la nécessité et des besoins du plus grand nombre.
Belle hypocrisie d’Etat : la loi du 15 mars 1942 sur le marché noir précise que « les infractions qui ont été uniquement commises en vue de la satisfaction directe de besoins personnels ou familiaux sont exemptes de poursuite ».
Sous la pression du marché noir qui faisait s’envoler les prix, la vie devenait de plus en plus difficile au fil des jours, en particulier pour les populations urbaines qui ne disposaient pas des ressources d’autosuffisance que la campagne procurait plus facilement.
Le rationnement a pu produire les pires des agissements dans l’immoralité du marché noir, mais aussi à l’opposé quelques trouvailles dans la débrouillardise et de beaux exemples de solidarité. Comme toutes les situations de crise, il exacerbe les faiblesses et les forces de l’humanité.
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